En 2025, la France se distingue de ses voisins européens par un phénomène inédit : le contango sur ses contrats d’électricité à terme.
Concrètement, cela signifie que les prix pour 2029 sont plus élevés que pour 2028, eux-mêmes supérieurs à 2027, une courbe ascendante qui surprend économistes et énergéticiens.
Alors que l’Allemagne, l’Italie ou la Belgique évoluent en backwardation (prix déclinants sur les échéances futures), la France affiche une hausse progressive des prix, une exception énergétique française qui interpelle le marché.
Selon les données publiées par TotalEnergies, le contrat électricité France 2029 atteignait récemment environ 65,9 €/MWh, soit plus de 4,5 €/MWh au-dessus du prix 2028.
Le contango désigne une situation de marché dans laquelle les prix à long terme dépassent les prix actuels.
C’est une courbe dite “à pente positive”.
À l’inverse, la backwardation correspond à une baisse des prix sur les échéances futures. Dans le cas de l’électricité, cette configuration n’est ni fréquente ni logique, car l’électricité n’est pas stockable, et la France prévoit une production nucléaire abondante avec un objectif de 400 TWh en 2030 selon la CRE.
Plusieurs facteurs expliquent ou entretiennent ce déséquilibre unique en Europe de l’Ouest.
Malgré les ambitions de relance du nucléaire, les arrêts de réacteurs, les problèmes de corrosion et les retards de maintenance alimentent la prudence des marchés.
Les traders intègrent une prime de risque dans les contrats futurs, craignant une disponibilité réduite du parc à long terme.
C’est une des principales hypothèses avancées par plusieurs experts du secteur.
Les marchés français souffrent d’une faible liquidité sur les échéances au-delà de trois ans.
Moins il y a de transactions, plus les prix peuvent s’éloigner de la réalité économique.
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) étudie d’ailleurs la création d’un mandat de teneur de marché pour fluidifier ces produits.
Malgré l’ouverture à la concurrence, EDF domine toujours le marché de la production et de la vente d’électricité.
Cette position dominante lui permet de fixer des prix de référence, notamment sur les produits de long terme, parfois perçus comme déconnectés des fondamentaux économiques.
Certains industriels préfèrent sécuriser dès aujourd’hui leurs coûts futurs, quitte à payer plus cher, pour éviter la volatilité.
Ces achats à long terme créent une demande artificielle sur les années lointaines, accentuant la pente haussière du contango.
Avec une courbe ascendante, signer un contrat électricité 2029 coûte plus cher que 2026 ou 2027.
Les entreprises privilégient donc des contrats plus courts, espérant un rééquilibrage des prix à moyen terme.
Le contango complique la planification énergétique des industriels et collectivités :
Des prix longs artificiellement hauts peuvent fausser les décisions d’investissement, notamment dans les énergies renouvelables et les solutions de flexibilité.
La CRE et le ministère de la Transition énergétique suivent de près cette situation.
Des mesures de régulation du marché à terme ou de nouveaux mécanismes de liquidité pourraient être introduites pour corriger ce déséquilibre.
Le contango électrique français met en lumière les fragilités du marché à terme et les incertitudes autour du parc nucléaire.
Bien que certains y voient une prime de précaution légitime, d’autres dénoncent une distorsion de marché liée à la faible concurrence et au manque de transparence des produits longs.
Pour les entreprises, la prudence s’impose :
L’évolution du contango au cours de l’année 2025 sera un indicateur clé de la confiance des acteurs dans la stabilité du système électrique français.
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