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Surproduction d’électricité en France : causes, conséquences et solutions pour les pros

May 2025
3 min

La France produit trop d’électricité : comprendre un paradoxe énergétique

Alors que la France appelait à la sobriété énergétique en 2022, elle fait aujourd’hui face à une situation paradoxale : la production d’électricité dépasse largement la consommation. Cette surabondance, loin d’être sans conséquences, fragilise le réseau et coûte cher aux producteurs. Comment expliquer ce retournement ? Et surtout, comment mieux gérer cette électricité excédentaire pour en faire un levier utile à la transition énergétique ?

Une consommation en recul, une production en hausse

Depuis deux ans, la consommation d’électricité en France a fortement diminué. Ce recul s’explique par les effets durables des campagnes de sobriété énergétique menées en 2022, mais aussi par l’amélioration des performances des équipements électroménagers. Les ménages ont intégré de nouveaux réflexes de consommation plus économes.

Dans le même temps, la production d’électricité a fortement progressé. L’énergie solaire a connu un développement rapide, avec des pics de production enregistrés entre 11 heures et 16 heures. Le 31 mars 2025 à 13 h 30, la production solaire a atteint un niveau record de 18 gigawatts. Cette dynamique s’ajoute à celle de l’éolien et de l’hydraulique, renforcés par des conditions météorologiques particulièrement favorables. En parallèle, le parc nucléaire français fonctionne de nouveau à pleine puissance. Ce cocktail d’une demande en baisse et d’une offre en hausse a conduit à une situation inédite : certains jours, la France produit bien plus d’électricité qu’elle n’en consomme.

Un excès d’électricité qui fragilise le système

Ce déséquilibre génère des conséquences majeures. Sur le plan économique, il entraîne des pertes importantes pour les producteurs. Lorsque l’offre dépasse la demande, les prix du marché de gros deviennent négatifs : les producteurs doivent parfois payer pour injecter leur électricité sur le réseau.

L’exportation, qui pourrait sembler une solution, devient elle aussi problématique. Lorsque les pays voisins sont également en situation de surproduction, les producteurs français doivent rémunérer les gestionnaires de réseaux étrangers pour qu’ils acceptent leur électricité. Ce phénomène inverse la logique habituelle, où les exportations représentaient un gain.

Pour éviter que le réseau ne sature, RTE a dû suspendre temporairement la production de plusieurs installations renouvelables. Treize parcs solaires ou éoliens ont ainsi été déconnectés depuis mars 2025. Ces arrêts, coûteux car indemnisés, illustrent la difficulté à réguler un réseau soumis à des pics de production imprévus. RTE estime que ces tensions pourraient durer jusqu’en juin.

Malgré cette abondance, le prix de l’électricité ne baisse pas pour les particuliers : les tarifs sont fixés par contrat sur des périodes longues et ne dépendent pas des prix de marché ponctuels.

Le stockage d’électricité : une fausse solution à court terme

Face à cette surproduction, l’idée de stocker l’électricité semble naturelle. Mais dans les faits, elle reste difficile à mettre en œuvre à l’échelle nationale. L’électricité ne se stocke pas comme d’autres énergies. Les solutions actuelles présentent des limites importantes.

Les batteries industrielles, encore très coûteuses, ne permettent pas de lisser efficacement la production. Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), qui stockent l’eau en altitude pour produire de l’électricité au moment opportun, ne représentent qu’une capacité de 3 gigawatts. Les installations hydroélectriques, quant à elles, jouent un rôle d’amortisseur, mais ne suffisent pas à gérer des surplus aussi massifs.

À l’heure actuelle, le stockage n’est donc pas une réponse structurelle suffisante pour faire face à la surproduction.

Adapter les usages pour absorber les pics de production

La solution passe par une meilleure coordination entre production et consommation. Pour cela, plusieurs leviers sont en cours de déploiement.

Une réforme des heures pleines et heures creuses est envisagée pour le second semestre 2025. Historiquement positionnées la nuit, ces plages tarifaires réduites pourraient être proposées en partie en journée, notamment entre 11 heures et 17 heures, afin de coïncider avec les pics de production solaire. Cela favoriserait le décalage des usages énergivores (lave-linge, chauffe-eau, recharge de véhicules électriques) vers les moments où l’électricité est disponible en abondance.

En complément, RTE prévoit d’étendre son mécanisme d’ajustement aux parcs solaires et éoliens d’une puissance supérieure à 10 mégawatts. Ce dispositif permet de demander une modulation de la production en temps réel, en fonction de l’état du réseau.

Enfin, producteurs et fournisseurs sont incités à affiner leurs prévisions de production et de consommation. Une meilleure anticipation des déséquilibres permettra de limiter les interventions d’urgence et d’assurer un pilotage plus efficace du réseau.